Pourquoi les lanceurs d’alerte effectuent-ils un signalement ?
De nombreux lanceurs d’alerte agissent de bonne foi et sont motivés par la volonté de faire ce qui est juste. Ils sont témoins d’actes répréhensibles ou d’abus tels que la corruption et le blanchiment d’argent, et ressentent le devoir de rétablir la situation.
Le rôle du lanceur d’alerte a été décisif dans de nombreuses affaires ces dernières années. La révélation de scandales tels que les LuxLeaks, les Panama Papers et l’affaire du Mediator, ont permis de mettre en avant l’importance et la valeur des lanceurs d’alerte. Des scandales de ce type ont également conduit à l’adoption de lois visant à mieux protéger les lanceurs d’alerte contre les représailles. La France a été l’un des pionniers en Europe en promulguant le 9 décembre 2016 la loi dite Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Tous les États membres de l’UE doivent se conformer à la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte et la transposer en droit national. La France est devenue le huitième pays à transposer cette directive en promulguant le 21 mars 2022, la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.
En pratique, il peut arriver que les pays mettent en place des récompenses financières afin de motiver les lanceurs d’alerte dans leur démarche. C’est notamment le cas aux États-Unis, où les lanceurs d’alerte peuvent bénéficier d’une prime du gouvernement pour avoir divulgué des informations relatives à des fraudes et à des irrégularités financières.
Quels types d'actes répréhensibles les lanceurs d’alerte peuvent-ils signaler ?
Les signalements portent sur des comportements prohibés par une loi spécifique, comme une infraction pénale, une discrimination ou la preuve d’une dissimulation.
La législation de chaque pays détermine si et dans quelles situations un lanceur d’alerte bénéficie d’une protection. Par exemple, les pays de l’UE avaient jusqu’au 17 décembre 2021 afin de mettre en œuvre la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte. Cette directive protège toute personne qui signale des infractions à la législation européenne, telles que la fraude fiscale, le blanchiment d’argent ou des infractions relatives aux marchés publics, à la sécurité des produits et des transports, à la protection de l’environnement, à la santé publique et à la protection des consommateurs et des données (bien que la directive encourage les États membres à élargir cette protection aux infractions à la législation nationale).
Dans la proposition de loi qui vise à transposer la Directive Européenne en droit français sera considérée comme un lanceur d’alerte « une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime ou un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, une violation du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ».
En outre, le lancement d’alerte et le signalement d’un grief sont deux notions différentes. Un grief est une question d’intérêt personnel et n’a pas d’incidence sur le grand public. Toutefois, certaines entreprises permettent aux employés de signaler des griefs sur le lieu de travail par le biais de leurs dispositifs de signalement professionnelles.
Les lanceurs d'alerte peuvent-ils rendre l'affaire publique tout en étant protégés ?
La proposition de loi venant transposer la Directive vient modifier l’article 8 de la loi Sapin 2 notamment en simplifiant les canaux dont dispose le lanceur d’alerte pour signaler des faits. En effet, l’article 8 de la loi Sapin 2 dans sa rédaction actuelle prévoit que le lanceur d’alerte doit d’abord et obligatoirement effectuer son signalement en interne (ii), ensuite en l’absence de traitement de son alerte, il peut effectuer un signalement externe (ii) et enfin en dernier recours, il peut effectuer une divulgation publique.
La Directive supprime la hiérarchisation entre les canaux d’alertes internes et externes. Le lanceur d’alerte sera donc libre de recourir directement à un canal externe sans avoir préalablement utilisé le dispositif interne mis en place par l’entité. La proposition de loi reprend cette suppression et le lanceur d’alerte pourra ainsi au choix :
- Soit adresser un signalement interne, notamment lorsqu’il estime qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par ce moyen et qu’il n’y a pas de risque de représailles ;
- Soit adresser un signalement externe, après avoir saisi le canal de signalement interne ou directement ;
- Soit procéder à une divulgation publique, sous conditions certaines conditions (aucune mesure appropriée n’a été prise en réponse au signalement interne ou externe, danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général).
Que dois-je prendre en considération avant d’effectuer un signalement ?
Vous êtes témoin d’un acte répréhensible et vous souhaitez le signaler. Quelles mesures prendre afin d’effectuer un signalement de la bonne manière et ainsi être protégé à tout moment ?
1. Renseignez-vous sur la loi pour connaître les protections en vigueur
La connaissance est un pouvoir et les lois sur la protection des lanceurs d’alerte sont
différentes dans chaque pays. La loi vous indiquera comment dénoncer les abus
de manière appropriée – ce que vous pouvez signaler, comment, à qui et quand –
et dans quelles circonstances vous êtes protégés. Les États membres de l’UE avaient
jusqu’au 17 décembre 2021 afin de transposer la directive européenne sur la
protection des lanceurs d’alerte en droit national mais en pratique les lois
adoptées par les États membres seront différentes. Afin d’en savoir plus sur la promulgation de la loi transposant la directive européenne en droit français, vous trouverez des informations sur les points clés de la loi dans notre dernier webinaire.
2. Vérifiez la politique interne de l’entreprise et les dispositifs d’alertes internes proposés
L’étape suivante consiste à vérifier si votre entreprise dispose de sa propre politique interne de lancement d’alerte et d’un canal de signalement interne. À moins que vous n’ayez des raisons de penser le contraire, il s’agit très certainement du meilleur point de départ. La politique de lancement d’alerte d’une entreprise doit fournir des orientations claires sur le processus de signalement interne, sur la manière de soulever un problème, sur les types de problèmes qui peuvent être soulevés et sur les protections ou restrictions légales.
3. Envisager de rester anonyme
Dans de nombreuses juridictions, les entreprises sont tenues de préserver la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement et de tout tiers mentionné dans le signalement et c’est le cas en France. Toutefois, les lanceurs d’alerte peuvent, dans de nombreux cas, choisir de rester anonymes, même vis-à-vis de la personne chargée de traiter leur dossier. Certaines entreprises disposent de plateformes digitales de recueil de signalements qui cryptent les messages qui transitent entre le lanceur d’alerte et la personne chargée de traiter l’alerte, ce qui permet au lanceur d’alerte de rester véritablement anonyme, mais aussi d’assurer un suivi de la communication.
4. Évitez de vous transformer en enquêteur
Le travail d’un lanceur d’alerte est de signaler, et non pas d’enquêter. Tenez-vous-en aux faits concrets. N’exagérez pas et ne portez pas d’accusations infondées qui peuvent, si votre signalement passe au stade de l’enquête interne ou entraîne des poursuites judiciaires, ne pas être retenu ou conduire la partie adverse à prétendre que vous n’êtes pas digne de confiance. En outre, toute enquête menée par le lanceur d’alerte pourrait réussir à mettre la puce à l’oreille des personnes visées par le signalement et compromettre toute enquête interne ultérieure.
5. Faites remonter l’information si nécessaire, mais attention aux conséquences
Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles il est avantageux, tant pour le lanceur d’alerte que pour l’entreprise, de ne pas ébruiter les problèmes. Toutefois, si aucune mesure n’est mise en place par votre entreprise, ou si vous soupçonnez une dissimulation, il est normal de faire part de vos préoccupations. Si vous subissez des représailles, vous devrez peut-être envisager de prendre un avis juridique indépendant ou de contacter une organisation de soutien qui sera à votre écoute et pourra vous aider comme la Maison des Lanceurs d’Alerte ou le Défenseur des Droits par exemple. Sachez simplement que le combat contre les actes répréhensibles peut être long et difficile – il faut de l’endurance et un réseau de soutien, et vous devrez peut-être faire appel à des ressources financières supplémentaires en cours de route. Toutefois, le lanceur d’alerte pourra bénéficier de mesures de soutien psychologique et financier.
Où puis-je m'adresser si j'ai besoin d'aide ?
En cas de questions concernant la loi, à la suite de votre signalement, ou si vous êtes victime de traitements injustes et de représailles, qui pouvez-vous contacter pour obtenir de l’aide ? Nous avons rassemblé ci-dessous une liste d’organisations et d’associations qui peuvent vous aider.
N’hésitez pas à nous contacter par e-mail à contact@eqs.com si nous en avons oublié.
Europe
Allemagne
France
La Maison des Lanceurs d’Alerte, Alertes.me, Droits d’urgence, Transparency International France, Anticor
Estonie
Irelande
Transparency International Ireland
Italie
Transparency International Italia
République Tchèque
Serbie
Royaume-Uni
Protect et ACAS (des conseils gratuits et impartiaux sur les droits, les règles et les meilleures pratiques sur le lieu de travail)
Amérique du nord et centrale
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Afrique
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South Korea
Transparency International Korea
Inde
Commonwealth Human Rights Initiative
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Information Clearinghouse Japan
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