Le dispositif d’alerte, s’il est bien géré, est pour les entreprises un véritable outil de détection des risques. Mais comment contrôler et mesurer l’efficacité du dispositif en place ? Viviane Joynes, Managing Director chez EQS Group France, introduit le webinaire en illustrant les enjeux à travers les chiffres de l’étude publiée par EQS Group déterminant la place du dispositif au sein des entreprises. Selon cette étude, des actes répréhensibles sont commis dans un tiers des entreprises françaises interrogées. Ainsi, le déploiement du système d’alerte le plus efficace afin de prévenir et détecter les comportements non éthiques est fondamentale.
Le dispositif d’alerte : les recommandations de l’AFA
Benjamin Clady, adjoint au Chef de département (AFA) indique au préalable quelques mesures que les entreprises doivent prendre afin d’établir un dispositif d’alerte interne :
- Le périmètre de déploiement du dispositif d’alerte dans l’ensemble des entités contrôlées par l’entreprise doit être défini ;
- L’articulation des différents dispositifs posant fréquemment problème, l’AFA recommande souvent un dispositif unique dans les entreprises afin d’inciter la mise en place d’un dispositif correct ;
- La formalisation de la procédure est nécessaire grâce aux canaux d’alertes, ainsi que le lien entre le signalement et ses suites ;
- Former et diffuser sont des facteurs déterminants pour une meilleure efficacité du dispositif. Cela implique une formation des personnes en charge du traitement des alertes et une sensibilisation régulière des collaborateurs et parties prenantes quant à l’utilisation du dispositif d’alerte interne ;
- Des contrôles (1° et 2° niveaux) sont également attendus des entreprises afin d’évaluer l’intégration et l’application du dispositif d’alerte.
Le dispositif d’alerte : sa triple vertu
Si tous ces efforts sont demandés aux entreprises, Jean-Baptiste Siproudhis, associé chez Finegan, met en lumière les avantages que représente la mise en œuvre du dispositif. Il relève alors une “triple vertu”.
La première vertu consiste à inscrire le dispositif de conformité dans une perspective de dynamique. Il faut l’inscrire dans une boucle de progrès en n’hésitant pas à remettre régulièrement en cause son efficacité. L’objectif est de capitaliser sur l’expérience du terrain et tirer un enseignement des résultats de ce dispositif.
La seconde vertu consiste à introduire des indicateurs de suivi et de performance des dispositifs d’alerte pour changer la manière dont on communique le programme de conformité. Le dialogue avec les instances dirigeantes en sera alors véritablement influencé grâce à cet outil d’évaluation de l’efficacité du dispositif d’alerte.
La troisième vertu revient à constater que le dispositif d’alerte n’est pas seulement une obligation légale. En effet, depuis quelques années, nous sommes dans une logique sociétale. Les dispositifs d’alertes sont maintenant personnalisés. Ciblés. Une nouvelle culture vient véritablement s’inscrire dans les entreprises françaises.
Certes le dispositif d’alerte présente de nombreuses vertus, mais encore faut-il qu’il soit efficacement déployé. Jean-Baptiste Siproudhis, identifie les critères permettant, à terme, de déterminer les éléments nécessaires à l’évaluation de la qualité d’un dispositif d’alerte interne. Un préalable nécessaire est alors de fixer les objectifs sur la base desquels reposera notre évaluation. Des objectifs ciblés peuvent se catégoriser en deux groupes distincts. L’entreprise définit dans un premier temps les objectifs de mise en place du dispositif puis, dans un second temps, les objectifs relevant de la gestion du dispositif. La première catégorie se résume à une “check-list » dont les objectifs seront atteints une fois le dispositif intégré dans l’entreprise. La seconde catégorie demande un effort sur le long terme puisque les objectifs fixés devront faire l’objet d’un suivi régulier afin de maintenir la bonne gestion du dispositif.
Une fois ces objectifs définis, il ne reste qu’à poser des indicateurs de suivi et d’atteinte de ces objectifs.
Le dispositif d’alerte : quelle évaluation de son efficacité ?
Évaluer l’efficacité de son dispositif d’alerte nécessite d’avoir à l’esprit les attendus de ce qu’est un “dispositif d’alerte efficace”. Pour Jean-Baptiste Siproudhis, le dispositif doit être :
- Connu et compris : il est nécessaire d’expliquer en quoi le dispositif d’alerte présente un intérêt pour l’entreprise en termes de prévention des risques, contribue à une culture du “speak up” ou même d’efficacité. Il a tout de même été reconnu que les remontées d’informations étaient beaucoup plus nombreuses dans le cadre du dispositif d’alerte que pour la collecte d’informations lors d’audits. La compréhension de la démarche est également essentielle pour un meilleur développement de la culture éthique de l’entreprise.
- Accessible : ce qualificatif peut pourtant présenter certaines difficultés pour l’entreprise. En effet, lorsque la société est multiculturelle, il est indispensable de transmettre l’information en plusieurs langues. Cet effort sera reconnu lors de contrôles, notamment de l’AFA, qui constatera cet accès simplifié au dispositif d’alerte pour tous les collaborateurs. De plus, certaines entreprises ayant certains collaborateurs sur le terrain ont pour défi de leur donner accès à ces informations sur des lieux qui ne sont pas forcément connectés.
- Ergonomique : notamment à travers le formulaire d’alerte qui doit être synthétique. Il n’est pas nécessaire de submerger les lanceurs d’alertes d’informations annexes.
- Sécurisé : cet aspect permet notamment de donner confiance aux collaborateurs face au dispositif d’alerte. Les lanceurs d’alertes sont avant tout attirés par la confidentialité dont bénéficient leurs données. Pour cela, de nombreuses entreprises mettent divers canaux de signalements à disposition des collaborateurs dont des moyens digitaux protégeant les données du lanceur d’alerte.
- Intègre : un autre élément rassurant pour le lanceur d’alerte renvoie à une déclaration d’absence de conflit d’intérêts que les personnes en charge du traitement des alertes se doivent de signer et, bien évidemment, une déclaration de confidentialité.
- Doté de ressources adéquates : il est nécessaire d’avoir un effectif de personnes suffisant et formé pour la prise en charge de la gestion des alertes.
- Centralisé : l’inconvénient des dispositifs nationaux épars revient à créer des difficultés de connexion des informations.
- Inscrit dans une boucle d’amélioration continue : chaque année, l’entreprise se doit de réaliser un bilan des points forts et points faibles de son dispositif. Cette tâche permet à l'entreprise de constamment s’améliorer.
Les données statistiques sont très prisées afin de déterminer l’efficacité du dispositif mis en œuvre dans l’organisation. Cependant, Jean-Baptiste Siproudhis, met en garde l’utilisation de ces données. En effet, certaines entreprises ont tendance à penser aux indicateurs de suivi à travers des statistiques, tel que pour caractériser le nombre d’alertes. Il s’agit d’un piège auquel il faut porter la plus grande attention. Par exemple, un nombre d’alerte faible peut tout autant induire deux interprétations :
- La communication du dispositif d’alerte a échoué et la confiance des collaborateurs n’est pas acquise ou,
- L'entreprise est vertueuse et ne donne que très peu lieu à des situations justifiant un signalement.
Ainsi, le nombre d’alertes ne peut pas traduire avec certitude l’efficacité du dispositif.
Le dispositif d’alerte interne : sa réactivité
La loi stipule que les alertes doivent être traitées de manière réactive. Tous les signalements des lanceurs d’alerte doivent être pris en charge dans un délai raisonnable. Afin de mesurer la réactivité du traitement, certains indicateurs sont à prendre en considération tels que l’effectif de personnes traitant les alertes et la moyenne de temps consacré à une alerte.
Les ressources et moyens doivent être suffisants pour prendre en charge les signalements recueillis. Or, comme en atteste Jean-Baptiste Siproudhis “si les alertes croissent naturellement parce la communication est bonne mais le budget ou l’effectif du service compliance reste constant”, alors le risque est d’observer “une perte de réactivité et une perte du cercle vertueux” présenté par le dispositif. Dans ce cas, l’entreprise doit rebondir et trouver de nouvelles solutions de sorte à retrouver cette réactivité nécessaire, soit combler les effectifs dans le service audit pour prêter main forte et traiter certaines alertes que reçoit le service compliance.
Le contrôle ou la mesure d’un dispositif d’alerte doit être envisagé avec prudence. La tâche ne s’avère pas si simple mais pour l’entreprise, il s’agit là d’une opportunité de renforcer le fonctionnement son dispositif d’alerte interne et, ainsi, rester le plus longtemps possible dans cette boucle d’amélioration continue.
Webinaire : Contrôler et mesurer l’efficacité de son dispositif d’alerte interne