Qu’est-ce que le signalement anonyme ?
Le signalement anonyme est une démarche par laquelle des personnes peuvent déposer un signalement sans révéler leur identité. Pour garantir l’anonymat de son auteur, les entreprises doivent s’assurer que cette dernière ne peut pas être identifiée par certaines caractéristiques propres (telles que sa fonction au sein de l’entreprise, son adresse IP, un numéro de téléphone, sa voix, son style d’écriture, etc.). En outre, toutes les données transmises par la personne doivent être traitées et stockées de manière cryptée.
Qu’est-ce qu’un dispositif d'alerte interne ?
Dans le monde entier, nombre d’entreprises mettent à la disposition de leurs employés, fournisseurs, clients, actionnaires, etc. différents canaux de signalement qui leur permettent, de manière confidentielle et sécurisée, de soumettre des alertes. On distingue ici les canaux de signalement internes et externes : soit l’employé a la possibilité de faire une alerte à une personne responsable au sein de l’entreprise, soit il peut choisir la voie externe et envoyer son alerte à une autorité compétente.
Les canaux internes classiques sont par exemple la lettre, l’e-mail ou encore une ligne téléphonique. Les canaux internes dit spécialisés sont ceux qui nécessitent une mise en place un peu plus complexe comme la plateforme en ligne dédiée par exemple. Cette dernière a l’avantage de permettre de déposer des alertes de manière sécurisée et anonyme et de se conformer aux exigences réglementaires en matière de protection des données. Elle facilite aussi grandement le traitement des alertes.
Les canaux de signalement aboutissent souvent directement à un référent interne, qui peut faire partie du département de conformité ou du département des ressources humaines, ou aboutir directement à la direction. Le succès d’un canal de signalement est étroitement liée à la manière dont ce signalement sera effectué et à sa facilité d’accès. Il est très important que les alertes puissent être soumises en tout lieu, à tout moment et depuis le monde entier.
Toutefois, conformément à la nouvelle directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte, transposée en droit français par la loi dite « Waserman » du 21 mars 2022, les auteurs d’un signalement disposent de la possibilité de divulguer au public les faits objets du signalement, en cas d’échec des autres canaux de signalement. Il peut s’agir, par exemple, de réseaux sociaux, ou encore de communications effectuées aux médias, aux fonctionnaires, aux organisations des sociétés civiles, etc. Cela peut être envisagé si le lanceur d’alerte n’a pas reçu le retour attendu de la part du récipiendaire du signalement dans la période de trois mois.
Quels sont les arguments en faveur des canaux de signalement anonyme ?
C’est mieux pour le lanceur d’alerte
L’anonymat permet aux lanceurs d’alerte de réduire leur « seuil d’inhibition ». En règle générale, c’est la première et unique fois que l’employé est amené à effectuer un tel signalement, ce qui génère beaucoup d’incertitude. Ils peuvent craindre des représailles, et parler est donc un premier pas très courageux à accomplir.
Les recherches semblent indiquer que les lanceurs d’alerte ont une préférence pour l’anonymat. Selon le Rapport 2021 sur les alertes professionnelles, s’agissant des sociétés dans lesquelles l’alerte anonyme est possible, 58% des signalements ont été effectués de manière anonyme (48,8% pour la France).
Permettre aux personnes de rester anonymes tout en faisant part de leurs inquiétudes aura pour conséquence que ces dernières auront davantage confiance en utilisant votre dispositif d’alerte interne. C’est un signal fort pour faire valoir aux collaborateurs que le traitement d’un problème est plus important que l’identification de celui ou celle qui le révèle.
Les lanceurs d’alerte s’identifient souvent a posteriori
Selon le Rapport 2021 sur les alertes professionnelles, un tiers des personnes qui ont choisi d’effectuer un signalement de manière anonyme décident de révéler leur identité au cours de l’enquête qui suit. Un chiffre qui démontre que les personnes sont plus à l’aise avec le dispositif une fois que la confiance est établie.
C’est mieux pour l’entreprise
Si un lanceur d’alerte craint des représailles, il est logique qu’il soit moins enclin à signaler des faits. L’entreprise perd alors des informations qui pourraient être déterminantes et les dommages peuvent être considérablement plus importants. Autoriser le signalement anonyme permet d’éliminer certains freins, encourage un plus grand nombre de personnes à se manifester et offre donc aux entreprises un plus grand degré de protection contre les risques.
Cela ne mène pas à des signalements abusifs
Lorsque le signalement anonyme est autorisé, la crainte que le dispositif soit utilisé à mauvais escient – par exemple pour effectuer des signalements diffamatoires destinés à nuire à des employés ou à l’entreprise – est fréquemment évoquée. L’évaluation statistique détaillée du Rapport 2021 sur les alertes professionnelles révèle toutefois que la possibilité d’effectuer des signalements anonymes n’a aucun impact sur la proportion des signalements abusifs.
Un dispositif qui permet des échanges dans les deux sens tout en garantissant l’anonymat est désormais disponible.
Lors de la mise en place d’un dispositif d’alerte interne, les entreprises ont accès à un large choix de canaux de signalement. Une boîte aux lettres, une adresse e-mail dédiée ou le téléphone sont sans aucun doute les canaux les plus économiques et les plus rapides à mettre en place. Cependant, même si l’anonymat est possible, l’utilisation de ces canaux ne peut pas le garantir techniquement. Dans le cas d’un courrier posté par exemple, les lanceurs d’alerte doivent réfléchir au moment de la journée le plus propice afin de poster leur courrier sans être remarqués. De même, les e-mails peuvent être tracés et la voix peut être reconnue à l’occasion d’un signalement effectué par téléphone.
Cependant, il existe désormais sur le marché des plateformes digitales dédiées qui permettent une protection de l’identité des lanceurs d’alerte ainsi que des échanges continues avec le lanceur d’alerte anonyme le cas échéant. Ces dispositifs permettent également aux lanceurs d’alerte d’envoyer des fichiers et des documents justificatifs en toute sécurité, dans l’hypothèse où la personne qui traite le signalement ait besoin d’informations complémentaires.
Le signalement anonyme dans le cadre de la directive européenne
Dois-je permettre le signalement anonyme alors que la nouvelle directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte leur offre une meilleure protection ?
La nouvelle directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte stipule que lorsqu’un signalement ou une divulgation publique a été réalisé de manière anonyme, le lanceur d’alerte dont l’identité est révélée par la suite bénéficie des mêmes protections.
Bien que cette nouvelle directive ne précise pas comment les entreprises doivent traiter le signalement anonyme, elle indique clairement que ces dernières sont tenues de préserver la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte (et qu’elles s’exposent à des sanctions en cas de manquement).
Ma recommandation est évidente : vous devez permettre les signalements anonymes. Bien que le nouveau régime protecteur des lanceurs d’alertes les protège contre toutes représailles, il n’existe aucune protection contre les répercussions négatives « soft » — des regards dans les couloirs ou le fait de ne plus être invité à prendre part aux événements avec ses collègues. Aucune directive ou loi ne peut protéger un lanceur d’alerte contre cela. Seul l’anonymat le peut. Tant qu’il n’y aura pas de véritable changement culturel, que les lanceurs d’alerte ne seront plus considérés comme des traîtres mais comme des « héros », l’anonymat restera essentiel afin d’agir comme une garantie supplémentaire.
Transposition de la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte en droit français
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